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A suivre !
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A l’issue de mes lectures croisées de la presse écrite du mercredi 31 mars 2010, un article remarquable se distinguait par sa pertinence coup de poing et son actualité sociologique brûlante. Concis, précis et habité d’une force d’écriture rare par son humanisme manifeste, l’auteur de cette chronique est Monsieur Michel ABESCAT, Rédacteur en chef à Télérama.
J’ai pu m’entretenir en ligne avec Michel Abescat, et il a bien voulu m’accorder son autorisation pour que je reproduise l’intégralité de son article dans ce billet.
Qu’il en soit ici chaleureusement remercié !
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L’abstention ?
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58 % des femmes,
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72 % des jeunes de 18 à 34 ans,
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69 % des ouvriers…
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Une majorité de la population n’a pas voté.
La plus vulnérable, une fois de plus.
La plus vulnérable, une fois de plus.
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Sans poids, ni voix
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Jamais la «France invisible» n’a été aussi voyante. Jamais les «banlieusards», les «déclassés», les «délocalisés», les «démotivés», les «discriminés», les «habitants des taudis», les «intermittents de l’emploi», les «oubliés de la santé», les «précaires du public», les «pressurés», les «sous-traités», les «vieux pauvres», recensés par la fameuse enquête sociologique parue en 2006 (1), n’ont été ainsi dans la lumière. La France invisible s’est révélée comme jamais. A sa manière, anonyme, par défaut. En creux des dernières élections régionales. Dans les chiffres de l’abstention - massifs : 53,6 % au premier tour, 48,9 % au second - et dans ceux du vote protestataire pour le Front national. Chômeurs à perpétuité, stagiaires à répétition, abonnés aux CDD, paysans asphyxiés, salariés flexibilisés, jeunes nés hors du «corps français traditionnel». La France invisible. Celle que l’on ignore, que l’on oublie, inconnue des statistiques, jamais nommée, victime de toutes les inégalités, de revenus, de lieu de résidence, de santé, d’espérance de vie, de couleur de peau, de type de contrat, de conditions de travail. Celle que l’on ne voit que subrepticement à la télévision, que l’on ne met jamais en scène - ou si rarement - dans les films ou les romans.
La question n’est pas nouvelle. Les scrutins se suivent et se ressemblent : présidentielle du 21 avril 2002, régionales de 2004, législatives de 2007, municipales de 2008. Mais le problème s’aggrave et les chiffres de l’abstention battent, cette fois-ci, tous les records : 58 % des femmes, 72 % des jeunes de 18 à 34 ans, 69 % des ouvriers, 59,74 % des habitants de la Seine-Saint-Denis, 68,69 % à Clichy-sous-Bois, 65,71 % à Roubaix, 66,69 % à Vaulx-en-Velin. Aujourd’hui, un nombre considérable de Français rejette le système démocratique, ne se sent plus représenté, n’attend plus rien de la politique. S’autoexclut de la République. Dans un récent entretien au Monde (2), Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, diagnostiquait «une société qui se fragmente», «fatiguée psychiquement». Avant de constater qu’un «fossé s’est creusé entre le citoyen et l’Etat» et d’estimer «à 15 millions le nombre de personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près».
La gauche, qui apparaît largement vainqueur de ces élections, a surtout bénéficié de l’effondrement de l’illusion sarkozyste. Les Français qui se sont mis en dehors du système attendent que l’on vienne vers eux, que l’on soit à leur côté, sur le terrain, que l’on cesse avec les vieilles manières de la politique professionnelle, la guerre des ego et les « petites phrases ». Que l’on fasse enfin mentir cette idée désespérante que les politiques ne peuvent rien face aux puissances de l’économie mondialisée. Que l’on remette enfin en cause ce néolibéralisme, imposé dans les années 1980 sous l’impulsion de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, cette économie dominée par la finance qui n’a plus aucun sens de l’intérêt général et a largement démontré, avec la crise, sa dangerosité et son arrogance. Jusqu’à condamner ses victimes à l’invisibilité.
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Michel Abescat
(1) La France invisible, sous la direction de Stéphane Beaud, Joseph Confraveux et Jade Lindgaard, éd. La Découverte/Poche, 647 p., 13 €
(2) Le Monde du 22 février 2010
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Extrait : page 10 du Magazine Télérama N°3142 - 31 mars 2010 -
Cet excellent article de Michel Abescat peut être l’occasion de (re)lire aussi sur ce blog le billet n°26 - Crise : réponses politiques - dans lequel sont reproduites les réponses écrites d’hommes d’Etat suite à ma lettre qui les interpellait sur le thème de La crise… ou l’esclavage moderne de l’Argent Dette des banques privées.
Enfin, la teneur de cette chronique de Monsieur Michel Abescat nous appelle à méditer sur la mise en garde annonciatrice, et plus que jamais d'actualité, de Monsieur Albert Einstein : « Notre monde est un endroit redoutable. Non pas tant à cause de ceux qui font du mal qu’à cause de ceux qui voient ce mal et ne font rien pour l’en empêcher ».